Banquet annuel de la Confrérie des Fossoyeurs.

Une érudition gargantuesque

Jeune chercheur en ethnologie, parisien, ruraliste prétentieux, David installe ses pénates dans un petit village afin de documenter sa thèse consacrée à « La vie à la campagne au XXIe siècle ». Tout est en place, notamment le plaisir de se pointer au rdv quotidien du Café-Épicerie-Pêche, l’unique commerce du village, ou le jeu de cartes est prétexte à tout savoir « Thomas aimait les cartes parce qu’il aimait le malheur des autres ! » dira-t-il. Voilà la table est mise !

Au fil de la lecture, la ruralité française devient exotique, les aïeux se réincarnent : le porcin devient le réceptacle de l’âme du père Largeau, le sanglier, celui du prêtre, et le chat… et les punaises de lit… chef-d’œuvre de la métempsycose, cette croyance selon laquelle une même âme peut animer successivement plusieurs corps soit d’humains, d’animaux, ou de végétaux. On embarque et on en rit allègrement !

Et cette 2e partie, l’épisode du Banquet annuel de la Confrérie des Fossoyeurs est inoubliable.
Une série de portraits savoureux, rabelaisien dans une langue gargantuesque truffée de vieux français, un régal pour les puristes. Il faut prendre le temps d’absorber cette lecture au langage truculent, scabreux parfois dont l’humour et la finesse procurent un vrai bonheur !
Immense coup d’amour pour Mathias Énard lors de sa présence a La Grande Librairie sur TV5, déroulant cette saga de 300 pages, dont dira se réclamer d’une tradition de la littérature française du grotesque et de l’exagération.

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Un extrait pour donner la couleur

« Voyant que l’auditoire se rassasiait, Badebec fit une pause. Il goba un œuf mimosa, lécha ses doigts couverts de mayonnaise, rinça sa moustache en la trempant dans un verre de chinon, odoreux comme un rosier, un soir de printemps. Puis par gourmandise, il attrapa une petite gougère au chèvre frais, pour éponger, comme il disait. Les fossoyeurs étaient tout ouïe, prêts pour l’épopée.» (231)

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Quelques notes de l’éditeur (4e de couverture) :
(…) Il ignore quelques fantaisies de ce lieu où la Mort mène la danse. Quand elle saisit quelqu’un, c’est pour aussitôt le précipiter dans la Roue du Temps, le recycler en animal aussi bien qu’en humain, lui octroyer un destin immédiat ou dans une époque antérieure – comme pour mieux ressusciter cette France profonde dont Mathias Enard excelle à labourer le terreau local et régional, à en fouiller les strates historiques, sans jamais perdre de vue le petit cercle de villageois qui entourent l’ethnologue et dessinent (peut-être) l’heureuse néoruralité de nos lendemains.
(…) Mais déjà le Maire s’active à préparer le Banquet annuel de sa confrérie – gargantuesque ripaille de trois jours durant lesquels la Mort fait trêve pour que se régalent sans scrupule les fossoyeurs – et les lecteurs – dans une fabuleuse opulence de nourriture, de libations et de langage. Car les saveurs de la langue, sa rémanence et sa métamorphose, sont l’épicentre de ce remuement des siècles et de ce roman hors normes, aussi empli de truculence qu’il est épris de culture populaire, riche de mémoire, fertile en fraternité.

À propos de l’auteur Mathias Énard: MATHIAS
Prix Goncourt 2015 pour son livre Boussole, romancier érudit, professeur et traducteur d’arabe, polyglotte patenté, l’auteur a installé ses pénates dans un village du Poitou, « entre Loire et Gironde. »

Titre : Banquet annuel de la Confrérie des Fossoyeurs
Auteur : Mathias Énard
Éditions : Actes Sud
Date de parution :  Automne 2020

 

 

Victoire !

Roman élégiaque

Qu’est-ce qu’un roman élégiaque ? Qui exprime la mélancolie, selon Larousse.
Cette mélancolie du « Violoneux et de la Vieille fille » va, à jamais, bouleverser leur vie et donner un sens à cette lignée dont est issu l’auteur. « La Josaphat que j’ai découvert aux fiançailles de Chénéville fut pour moi plus qu’une révélation, un choc ! dira Victoire. L’amour unira à jamais frère et sœur !

Suite à la lecture des 6 volumes des Chroniques du Plateau Mont-Royal et des 9 volumes constituant la Diaspora des Desrosiers, on saisit bien que ces deux orphelins incestueux sont à l’origine de la lignée des Tremblay. Tant de personnages vivent dans cette œuvre magistrale, et telle que le souligne l’éditeur, «… cela n’a jamais été vraiment raconté, et cela devient un moment d’écriture de très haute intensité, transportée par la musique endiablée de l’interdit. »

« Rose, Violette et Mauve tricotaient … » Ces trois « tricoteuses de pattes de bébé » et leur mère Florence refont leur apparition dans Victoire ! pour notre bonheur. Elles observent le monde et ses bouleversements. Elles commentent les événements tout en jouant de la broche à tricoter. Elles ne sont que commentaires constituants l’âme de cette saga.
Dernière page, dernière phrase, dernière ligne : « Vous avez vu, maman ? Tout s’est bien passé. – Oui. Josaphat va rester. Vous pouvez vous remettre à vos tricots. »

Un extrait pour donner la couleur

Le jambon. J’en aurais mangé jusqu’au lendemain matin. Comment avais-je pu m’en passer si longtemps? Après sept années d’insipides soupes au barley – au couvent on m’aurait repris : de l’orge. Victoire, de l’orge – ou flottait de temps en temps un minuscule morceau de viande, mais jamais du porc, ordinairement du poulet fade bouilli trop longtemps et de petites portions de patate, le tout sans beurre et sans sel …cette viande filandreuse au goût si prononcé et si savoureux entouré de son succulent gras tout blanc m’a fait monter les larmes aux yeux ! (29)

Quelques notes de l’éditeur (4e de couverture) :
1898, au cœur des Laurentides. Après sept ans pas­sés au couvent, Victoire tourne le dos à la vie de reli­gieuse qui l’attendait et décide de rentrer à Duhamel pour retrouver son frère Josaphat, orphelin comme elle depuis le décès de leurs parents dans l’incendie de l’église du village. Dans cette élégie romanesque composée par Victoire, Michel Tremblay donne à entendre l’un de ses plus beaux hymnes à la vie, encore une fois porté par une voix de femme aux accents opératiques.

Car nous savons tous, maintenant que les secrets de famille ont été dévoilés bribe par bribe à travers La Diaspora des Desrosiers et Les Chroniques du Plateau-Mont-Royal, que de ces deux orphelins incestueux vont naître Albertine puis Gabriel, le mari de la Grosse Femme et le père de Jean-Marc, alias Michel Tremblay. Mais cela n’a jamais été vraiment raconté, et cela devient un moment d’écriture de très haute intensité, transporté par la musique endiablée de l’interdit.

 À propos de Michel Tremblay :
Rien à ajouter ! Tout a été dit sur ce grand dramaturge !

Titre : Victoire !
Auteur : Michel Tremblay
Éditions : Leméac
Date de parution :  Automne 2020

La cuisine du 6e étage

Du Piano au réchaud !

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Un format hors-norme, une couverture très rouge ! Un peu difficile de consultation si on veut utiliser les recettes.

Nathalie GEORGE a grandi entre l’Italie et la France, deux cultures et deux langues, sous l’aile bienveillante de sa grand-mère Gilberte; elle livre un message : la cuisine est une école de la vie !

Pour l’histoire : suite à quelques déboires financiers, Nathalie se retrouve au 6e étage, c’est la chambre de la bonne !

Sous la forme d’une pièce montée en trois actes, trois lieux et trois temps qui forment une existence, quel plaisir de les suivre à travers ces anecdotes truffées d’humour, recueillant ainsi l’histoire de ces recettes, du piano de l’aïeule Gilberte au couloir du 6e étage de Nathalie, à travers ces personnages d’âges et d’horizons divers qui empruntent l’escalier pour venir dîner et partager des plats concoctés sur le réchaud à un feu.

Ce livre est une ode à la cuisine de tous les jours transmis avec amour et par amour.

 

Un extrait pour donner la couleur

Tout sert en cuisine ou presque. Et l’inventivité est au rendez-vous. Rien n’est raté. Peut-être moins bien qu’attendu ou meilleur et c’est la récompense. On peut orienter, négocier, bifurquer, il faut avoir la tête libre et construire. Ceux qui aiment cuisiner savent toutes les satisfactions que cela peut leur apporter et comment se développera leur créativité. Les autres le découvriront !
Faire son marché revêt une importance primordiale. C’est un contact à la fois humain et avec la nature qui vous ancre dans la vie sociale pour des rapports authentiques. Il est facile de décrocher. Aller dans un magasin de surgelés, c’est comme aller faire ses courses dans une morgue. Regarder, sentir, toucher, préparer les légumes, fruits, poissons, volailles est un contact physique avec le rythme des saisons.
Quant aux échanges avec les producteurs, maraîchers, bouchers, poissonniers, un plaisir et la possibilité d’apprendre.

Quelques notes de l’éditeur (4 e de couverture) :
Pour faire partie des rares experts en vins certifiés au monde, Kate doit réussir le très
prestigieux concours de Master of Wine. Elle fait pour cela le choix de se rendre en
Bourgogne, dans le domaine appartenant à sa famille depuis des générations. Alors
qu’elle se lance dans le rangement de l’immense cave, elle découvre une chambre
secrète contenant un lit de camp, des tracts écrits par la Résistance et une cachette
pleine de grands crus. Intriguée, Kate commence à explorer l’histoire familiale, une
quête qui la mènera aux jours les plus sombres de la Seconde Guerre mondiale et à des
révélations très inattendues.

À propos de l’auteure :
Directrice artistique dans les domaines de la maison, de la culture et des voyages, et grande voyageuse dans le cadre de son travail, notamment au Japon, où elle a suivi les débuts de Joël Robuchon à Tokyo. Elle partage également ce gout pour la cuisine japonaise avec Yannick Alléno, chef du Pavillon Ledoyen, triplement étoilé, qui d’ailleurs signe la préface de La cuisine du 6e étage, partage ce goût pour les délicatesses qu’il met en pratique dans son restaurant parisien

<p value="<amp-fit-text layout="fixed-height" min-font-size="6" max-font-size="72" height="80">Titre : <strong>La cuisine du 6<sup>e</sup> étage</strong>Titre : La cuisine du 6e étage

Auteure : Nathalie George
Éditions Herodios
Date de parution :  Automne 2020

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Prévisualiser(ouvre un nouvel onglet)Ajout de titreLa cuisine du 6e étage

La Mémoire des vignes


Un polar au cœur d’un domaine viticole, dans les grandes vignes de Bourgogne qui recèlent des secrets de famille, notamment au cœur de l’intrigue, celui d’une vieille tante oubliée pendant ces années de guerre.
Tout en refaisant la route de ce célèbre vignoble, l’intrigue devient captivante et, à travers cette quête que va mener Kate, la honte et la culpabilité rejoint cette noble famille.

Intrigue amoureuse, gastronomie partagée et grands crûs, cette jeune bourguignonne émigrée aux USA qui se prépare a affronter le très prestigieux concours de Master of Wine se prépare-t-elle également a reprendre possession de son terroir d’origine.

 

Un extrait pour donner la couleur
Deux semaines supplémentaires à Meursault…Lorsque les invités commencèrent à arriver Heather et Nico sortirent à grand-peine le cochon- dont la peau était croustillante et dorée à souhait – du four è bois, et quand l’oncle Philippe découpa les premières tranches de viande moelleuse, tout le monde se mit spontanément à applaudir. La table du buffet croulait sous le poids de la charcuterie et des salades, une impressionnante montagne de saucisses cuites au barbecue, des gratins de courgettes et autres légumes du jardin, des plats de fromage locaux appétissants et tout un assortiment de gâteaux … Nous mangeâmes et bûmes jusqu’à ce que le vin sot remplacé par le ratafia, un alcool maison fabriqué à partir de jus de raisin légèrement fermenté et d’une eau-de-vie de raisin d’une puissance alcoolique quasiment mortel.

Quelques notes de l’éditeur (4 e de couverture) :
Pour faire partie des rares experts en vins certifiés au monde, Kate doit réussir le très
prestigieux concours de Master of Wine. Elle fait pour cela le choix de se rendre en
Bourgogne, dans le domaine appartenant à sa famille depuis des générations. Alors
qu’elle se lance dans le rangement de l’immense cave, elle découvre une chambre
secrète contenant un lit de camp, des tracts écrits par la Résistance et une cachette
pleine de grands crus. Intriguée, Kate commence à explorer l’histoire familiale, une
quête qui la mènera aux jours les plus sombres de la Seconde Guerre mondiale et à des
révélations très inattendues.

À propos de l’auteure :
Ann Mah est diplômée de l’Université de Californie de Los Angeles. Passionnée de
voyages et de cuisine, elle écrit régulièrement pour de nombreux journaux et magazines
américains, notamment le New York Times et le Vogue.

Chef, oui Chef !

Une recette, c’est le goût d’un souvenir !

Jean Soulard, un nom associé à la cuisine du Château Frontenac dont il a dirigé les cuisines pendant 20 ans. Il a plusieurs livres à son actif, dont le dernier et sûrement le plus audacieux,
Le cannabis en cuisine.

Un brin d’humour, quelques lignes poétiques rendent vivante chaque histoire, celle de son père boulanger, celle de la mémorable sortie d’eau du marlin bleu de Guam ou de l’arrivée de la poule Chanteclerc au Château. Des histoires en mémoire lointaine, comme alors qu’il n’était qu’assistant, désirant dénouer le secret de ce mythique Soufflé d’omble du Père Bise, épiant le vieux chef, mémorisant ses gestes, vérifiant en catimini les produits utilisés… ! Chaque histoire est une aventure dans le temps. Mais, voilà qu’à la mi-mars 2020, il raconte ce séjour à Pondichéry qui dure un peu plus de 36 h, puisque la pandémie prend la planète en otage…les liaisons avec le pays sont rompues et il devra revenir en catastrophe … comment oublier mars dernier ! Au retour, en quarantaine, je vous laisse deviner de quelle manière j’ai occupé mon temps… j’ai commencé à écrire ce livre… Bonne lecture !

Un extrait pour donner la couleur :

Une conclusion qui résume une vie « La question revient régulièrement : Chef, quel est le meilleur repas que vous avez mangé?
Une recette est une liste d’ingrédients. Bien dosés, cuisinés à point avec un soupçon d’originalité, une pointe de saveur personnelle, ces ingrédients deviendront une délicieuse assiette. Mais un repas est bien plus qu’une succession de plats succulents. La table est alors mise pour la conversation, les échanges entre convives qui se racontent.
Avec le temps, le menu entrera dans l’oubli, mais ce moment qui a nourri une grande amitié restera gravé dans la mémoire. J’ai des souvenirs impérissables de rencontres autour d’une table ou il y avait seulement un bon pain, un excellent fromage et du vin. La cuisine, c’est avant tout, des contacts humains. »

Quelques notes de l’éditeur (4e de couverture) :

« Je partage avec vous mes souvenirs, guidés par la poésie, le plaisir, et tous liés par la gourmandise et l’amitié. C’est un voyage dans le temps, teinté de liberté et assaisonné à ma façon. Une invitation à goûter la cuisine à travers l’humain. »

À propos de l’auteur :

Jean Soulard Maître cuisinier de France a travaillé dans des maisons étoilées dans le monde entier avant de s’installer au Québec en 1979. Il a dirigé la cuisine château Frontenac durant 20 ans et signé 11 livres.

Titre : Chef, oui Chef !
Auteur : Jean Soulard
Éditeur : Flammarion Québec
Date de parution : Septembre 2020

La menthe et le cumin

L’odeur au cœur de la smala !

Petit recueil de 99 pages que je viens de terminer…2h tout au plus de lecture, mais un magnifique souvenir qui se prolonge dans le temps, rempli d’effluves heureuses.

Un bijou de livre, qu’a dit l’animateur Franco ou chaque plat, chaque odeur est prétexte au souvenir intime rappelant ses origines espagnole, française et pied-noir, tout en étant bien installée au Québec.
Les repas de famille sont sacrés, ils transportent un trésor dira-t-elle, La vie de famille a été mon pays et mes racines.

De plus, j’ai vraiment aimé ce style bref, concis, un flash de mémoire en moins de 2 pages avec une chute qui laisse le temps de laisser venir une odeur !

Voilà un exercice d’écriture à lire et relire par une des grandes journalistes au Québec.

 

Un extrait pour donner la couleur : 

(…) Quoi qu’il en soit, mes parents aimaient préparer le réveillon et concocter un menu qui changeait de l’ordinaire. Nous dégustions souvent des huitres. Mais, ce plat que je préférais, c’était la coquille Saint-Jacques. Mes parents apprêtaient eux-mêmes le mélange de crevettes, pétoncles, champignons, vin blanc et le faisaient gratiner avec un mélange de gruyère bien piquant.

Ils déposaient le tout dans des assiettes en forme de coquilles, qui m’impressionnaient beaucoup. On en avait une tonne de ces assiettes, et jamais assez de monde autour de la table pour toutes les utiliser.  Ces soirs-là, j’étais plus attentive au soin que prenaient mes parents à la préparation du repas qu’aux plats eux-mêmes. (p. 32)

Quelques notes de l’éditeur (4e de couverture) :

On connait Pascale Navarro la féministe, la journaliste, l’autrice d’essais percutants. Mais que sait-on de son passé?
Dans ces « récits d’enfance et de cuisine » où l’on connaîtra les secrets des gourganes à l’ail, au citron et au cumin, de la kémia et du gâteau à deux œufs, elle rend hommage à sa grande famille dispersée, l’invitant symboliquement autour d’une grande table, lui offrant l’un de ces moments qui transmettent une mémoire.

À propos de l’autrice :

Pascale Navarro journaliste, contribuant à diverses publications montréalaises. Elle a été chroniqueuse culturelle el littéraire à Radio-Canada ainsi qu’à Télé-Québec. Elle est autrice de nombreux essais, dont en 2010 Les femmes en politique changent-elles le monde ? et en 2015, chez Leméac, Femmes et pouvoir : les changements nécessaires. Plaidoyer pour la parité.

Titre : La menthe et le cumin
Autrice : Pascale Navarro
Éditeur : Leméac
Date de parution : Octobre 2020