« JE VOUS LIVRE MA RÉFLEXION : NOUS SOMMES DESTINÉS À AVOIR FAIM. …MÊME SI LES MANQUES NOUS RONGENT, LA SATIÉTÉ EST ENCORE PIRE. »
C’est ainsi que ce termine cette brique de 400 pages, une longue réflexion sur ce problème endémique qui contamine l’Amérique entière, l’excès de poids menant à l’obésité morbide.
Pandora, patronne d’une entreprise florissante vit avec Fletcher, son cyclomaniaque de mari, et les deux enfants de ce dernier. S’annonce son frère adoré, jazzman qu’elle n’a pas vu depuis très longtemps. À l’aéroport, elle ne le reconnaît pas : trop gros, il est réduit à se déplacer en fauteuil roulant. L’horreur d’héberger cet obèse morbide dont l’extrême lourdeur bouscule tout dans la maison, autant la vie avec le mari, les enfants que la vitesse avec laquelle on doit remplir le frigo afin de satisfaire cet ogre sans fond.
Après avoir bousculé le quotidien de tous pendant 2 mois, sa sœur lui fera l’étrange proposition de s’isoler en sa compagnie, avec un seul but, celui de perdre cet excès de gras et ainsi, lui permettre de retrouver sa silhouette de jeunesse. « J’ai appris que la volonté est un muscle, dira-t-elle ». En une année, de 175 Kg, il se rendra à 74,5kg. Cette année sera vécue intensément par le frère et la sœur, mais bousculera totalement la vie amoureuse et familiale de Pandora.
Des scènes troublantes ou l’horreur côtoie la déchéance. D’ailleurs, l’auteure n’hésite aucunement, à nommer et invectiver les empires américains de la malbouffe, Dunkin Donuts, Pizza Hut ou autres. La réflexion sur cette forme d’alimentation est moralisatrice à l’occasion, mais demeure dénonciatrice et fort juste. Tout est dit, sur l’excès, autant le trop que le trop peu. « Nous ne savons plus comment manger », voilà ce qui résume sa thèse sur le dossier malbouffe américaine !
La traduction française est un peu trop … vieille France, à mon goût, et ces expressions argotiques deviennent harassantes, du genre, j’avais les boules, la meilleure putain de pizza ou … c’est trop fastoche ! Dommage car ces expressions locales nous éloignent de la véritable mise en situation. Mieux vaut peut-être lire Big Brother, dans en texte d’origine.
Un extrait pour donner la couleur
« À mon avis, si tu manges autant, c’est parce que tu n’apprécies pas la nourriture, et non parce que c’est si bon que tu n’arrives pas à t’arrêter. Tu demandes à la nourriture de te donner quelque chose qui n’est pas en son pouvoir, et du coup, la quantité que tu ingurgites est potentiellement infinie. » (p. 240)
Quelques notes de l’éditeur (4e de couverture) :
Après, entre autres, Il faut qu’on parle de Kevin, la nouvelle bombe de Lionel Shriver. Toute sa verve sarcastique, sa profondeur d’analyse, son esprit de provocation dans un roman choc partiellement autobiographique sur un sujet brûlant d’actualité : notre rapport névrotique à la nourriture, et son corollaire, l’obésité alarmante dans nos sociétés occidentales.
À propos de l’auteur :
Née en 1957 en Caroline du Nord, Lionel Shriver a fait ses études à New York. Diplômée de Columbia, elle a été professeur avant de partir parcourir le monde. Elle a notamment vécu en Israël, à Bangkok, à Nairobi et à Belfast. Big Brother est son cinquième roman traduit en français.
Titre : Big Brother
Auteur : Lionel SHRIVER
Éditeur : Belfond
Date de parution : 2014
Traduction de l’américain par Laurence Richard