Dîner à Montréal

Pense à moi quelquefois !

Je n’avais jamais lu Philippe Besson! Mais quel titre accrocheur pour un blogue culinaire : Dîner à Montréal !

Quatre convives autour d’une table dans un restaurant du Village. Paul et Philippe, ex-amants, également l’épouse de l’un et le jeune amant de l’autre. Le cinéma aime ces situations, dialogues hachurés, regards furtifs, échanges équivoques… ici, Philippe Besson intensifie ces instants impudiques et la lecture de ce roman est un bonheur de mise en situation.

La rumeur effervescente du restaurant, le tintement des verres, l’intervention inopinée des serveurs et toujours, les souvenirs douloureusement présents de cet amour où la jeunesse offrait un sauf-conduit. Nonobstant ces échanges courtois et banals qui pourraient combler les longs vides, la totalité de l’espace est occupé par cette déchirante histoire d’amour des deux amants qui se retrouvent pour la première fois depuis 17 ans. Une écriture empreinte d’intimité loin des conventions admises. Et, en finale, l’auteur impitoyable dira Tout était dans le passé et allait y rester.

 

Un extrait pour donner la couleur 

Une serveuse s’approche de notre table et nous demande si nous sommes prêts à commander. Chacun de nous jette un coup d’œil rapide à la carte et annonce son choix. Je m’amuse à constater qu’Antoine et Paul ont commandé la même chose (un burger frites) et qu’Isabelle et moi avons opté pour la même salade. Pour un type comme moi, convaincu que l’essentiel gît dans les détails et les gestes ordinaires, c’est presque trop insignifiant. (71)

Quelques notes de l’éditeur (4e de couverture) :
Deux anciens amants se retrouvent presque par hasard à Montréal, dix-huit ans plus tard. Qui sont-ils devenus ? Sont-ils heureux, aujourd’hui, avec la personne qui partage désormais leur vie? Au cours d’un dîner de retrouvailles, à quatre, les souvenirs ressurgissent avec les non-dits, les regrets, la conscience du temps qui passe, mais aussi l’espérance et les fantômes du désir.

À propos de l’auteur
Philippe Besson est un écrivain, dramaturge et scénariste français. Il a été également critique littéraire et animateur de télévision. En 2017, il totalise 18 romans, dont plusieurs ont été adaptés pour le cinéma ou le théâtre, de plus, il a participé à l’écriture du scénario de plusieurs téléfilms.

Titre : Dîner à Montréal
Auteur : Philippe Besson
Éditeur : Julliard
Date de parution : 2019

L’Omnivore

Un suspense gastronomique amoral et épicé

Pour satisfaire la curiosité et les caprices des gens fortunés qui, par essence, sont omnivores, voici  un suspense dont l’action se transforme en un palmarès culinaire de morceaux de choix. L’entomologiste Youri Tremblay eh oui!, raconte comment, afin de répondre aux commandes de ces richissimes clients qui s’amusait à braver les tabous et s’ingénuaient à mêler goût du péché et péché du goût, devra braver les interdits alimentaires en vigueur en terre bouddhiste, musulmane et chrétienne. Un parcours rocambolesque et d’une écriture si fine qu’on résiste à peine à le relire !

Donc, à sa lecture, je me suis amusée à répertorier quelques dégustations spectaculaires, interdites, curieuses, risquées, recherchés par ces clients à lubies !

Quelques désirs satisfaits furent l’utérus de truie sur les pentes du Pinatubo, l’œuf de 100 ans enfoui dans l’Argile pendant des mois en Philippines, la cervelle de singe dans la Casbah algérienne, des pattes de fourmis au Laos, du ragoût de chauve-souris aux Seychelles, le hamburger de baleine en Islande, l’hippocampe séché à Dakar, le pangolin à peau écailleuse en Côte d’Ivoire, la soupe de cabot nord-coréenne, la mue de serpent au Vietnam, la terrine de crocodile en Namibie, le gâteau de hachich à Tanger, le beurre de yak au Boutan et le célèbre fugu japonais… Mais là ne s’arrête pas l’aventure ! L’Ultime tabou sera-t-il transgressé ?

Un extrait pour donner la couleur 

Le cannibalisme avait pourtant traversé de nombreuses civilisations, en particulier les sociétés précolombiennes qui lui avaient appliqué une véritable hiérarchie des convenances : chez les Aztèques, le cœur des suppliciés était réservé aux prêtres tandis que l’empereur se voyait offrir la cuisse. … (154)

Quelques notes de l’éditeur (4e de couverture) :
Dans une prison de la république de Khirghizie, un avocat globe-trotter entend parler des aventures d’un russo-vietnamien nommé Youri qui, pour satisfaire sa riche clientèle, a fait commerce de mets rares tels, par les nids d’hirondelles, les insectes ou encore les petits singes. Jusqu’à une dernière commande particulièrement étonnante.

À propos de l’auteur :
Né en 1968, Emmanuel Pierrat est avocat et conservateur du Musée du Barreau de Paris. Il est titulaire du certificat de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle. Il a publié de nombreux ouvrages juridiques de référence sur le droit de l’édition, la liberté d’expression, le droit du commerce du livre, le droit à l’image. Il a également signé plusieurs essais sur la culture, la justice et la censure. Il est président du Pen Club français, directeur de la Grande Bibliothèque du Droit et pour occuper son temps … Secrétaire général du Musée Yves Saint-Laurent.
Une bibliographie exceptionnelle d’une centaine de livres qu’on retrouve d’ailleurs à la fin de ce  dernier roman L’Omnivore.

Titre : L’Omnivore
Auteur : Emmanuel Pierrat
Éditeur : Flammarion
Date de parution : 2019

Mãn

7051-300x512Une personnalité attachante, fluide, joviale… Lors du colloque Raconter l’aliment, à l’Université Concordia, en mai 2015, Kim Thuy raconte ses souvenirs avec moult détails … un long sourire sur son visage nous fait comprendre qu’elle a fait la paix avec cette période sombre de son exode.
Kim raconte ce magnifique Mãn de tous les désirs, où la nourriture a différentes fonctions, mais essentiellement pour séduire, pour plaire, et aussi pour soigner les cœurs meurtris. « La manipulation de l’aliment nous rapproche du corps. C’est toujours un équilibre fragile, que les doigts ressentent mieux que les mots ne semblent expliquer.»

On découvre à travers ce beau texte l’héritage culinaire français, envahisseur du Vietnam pendant 100 ans. Aujourd’hui la cuisine de Kim, cuisine métissée, comme elle le dit, est un mariage de l’Est et de l’Ouest « comme ce gâteau dans lequel les bananes s’inséraient tout entières dans la pâte de baguette de pain imbibées de lait de coco et de lait de vache. » Lire Kim Thuy c’est pénétrer dans un monde de souvenirs amoureux.

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Un extrait pour donner la couleur

« Mais avant le départ de sa mère, elle avait eu le temps d’apprendre à extraire le lait de la noix de coco en pressant dans ses paumes les boules de chair émiettée imbibée d’eau chaude. Les mères enseignaient à  leurs filles à cuisiner à voix basse, en chuchotant afin d’éviter le vol des recettes par les voisines, qui pourraient séduire leurs maris avec les mêmes plats. Les traditions culinaires se transmettaient en secret, tels des tours de magie, entre maître et apprenti, un geste à la fois, selon le rythme du quotidien. Dans l’ordre naturel, les filles apprenaient donc à mesurer la quantité d’eau pour le riz avec la première phalange de l’index, à tailler les « piments vicieux » avec la pointe du couteau pour les transformer en fleurs inoffensives, à éplucher les mangues de la base à la pointe pour ne pas contredire le sens des fibres. » (p. 12)

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Quelques notes de l’éditeur (4e de couverture) :
Mãn parle de l’amour à l’envers, celui qui doit se taire, celui qui ne peut être vécu, celui qui ne doit pas s’inscrire dans le temps en souvenirs, en histoires. Or, juste avant la fin, ou au milieu d’un nouveau début, ailleurs, loin de la chaleur tropicale, près du corps, dans la lenteur aérienne des flocons de neige, il y a eu un amour à l’endroit, c’est-à-dire un amour ordinaire né d’une rencontre ordinaire, avec un homme ordinaire, ce qui était pour elle l’extraordinaire, l’improbable. Mãn, c’est l’apprentissage du mot « aimer »

À propos de l’auteure: mo_thuy1000
Kim Thúy est née à Saïgon en 1968. Elle a quitté le Vietnam en « boat-people » avec ses parents à l’âge de 10 ans; ils se sont installés au Québec en tant que réfugiés vietnamiens.
Kim Thúy est diplômée en linguistique et en droit. Elle a alors été traductrice, interprète, avocate, restauratrice, chroniqueure et, depuis 2009, romancière et récipiendaire de nombreux prix.

Titre : Mãn
Auteur : Kim Thuy
Éditeur : Libre Expression
Date de parution : 2013

Pour vous le procurer

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