Sept petites douceurs

Tout en sachant que l’impudeur est payante en littérature, dans ce cas-ci, nous recommandons au lecteur chaste de s’abstenir !

Rarement dans notre sélection, livre n’aura évoqué autant la jouissance du corps mâle associé à quelques délicieuses dolce !
En effet c’est le corps de l’homme qui exulte à travers Sept petites douceurs, et surprenamment, y  est associé une recette gourmande notamment de Fondue de chocolat : cassez cent cinquante grammes de chocolat noir en petits morceaux et faites-les fondre sur un plateau de cuisson garni de papier sulfurisé…  Ses références amoureuses plaisent, celles de Gertrude Stein et Alice Toklas, de Picasso et ses femmes, de Socrate en attente du banquet d’Agathon. Et, dira-t-il, « chaque repas doit être un événement », et croyez-moi, plus on avance dans la lecture plus on y croit.

 

Un extrait pour donner la couleur

Hier soir, après le retour de mon amant chez sa maîtresse, pour oublier cet amour qu’il me donne comme cet amour que je lui donne encore, je me suis consolé en me préparant un gâteau au chocolat et à la noix de coco, glacé au rhum. L’appartement était tranquille, les voisins du dessus n’étaient pas rentrés du travail, les enfants d’à côté, du cinéma. La rage, la peur pouvaient se déchaîner, se décharger de tout le tapage qu’elles font habituellement dans mon esprit, comme les ténèbres au-dessus de l’abîme. Car n’est-ce pas la solitude du chaos qui a poussé Dieu à la création ?

 

Quelques notes de l’éditeur (4e de couverture) :
Londres. Un homme raconte sa relation amoureuse et érotique avec un homme marié.
Pour retenir son amant, pour s’assurer qu’il reviendra, il lui prépare cookies et gâteaux. Le narrateur n’hésite pas à en donner les recettes afin de renforcer la sensualité de la relation. Sept recettes de petites douceurs parsèment donc le roman. Il s’organise ainsi une narration où se mêlent homo-érotisme et sensualité, les cookies et les gâteaux sortant tout juste du four quand l’amant arrive. Entre scènes à l’érotisme cru et recettes de petites douceurs gourmandes, la relation amoureuse évolue dans toutes ses composantes passionnelles. Sept petites douceurs est une ode à l’amour, à l’harmonie des corps, à la relation de l’homme avec la beauté et l’art, et aussi à l’exil.

À propos de l’auteur :
Shaun Levin est né en 1963 en Afrique du Sud. Il a passé de nombreuses années en Israël et vit à Londres depuis 1995. Dans son œuvre, il aborde les thèmes de l’immigration et des expériences traumatiques ainsi que la question de l’identité, en particulier à travers la sexualité. Seven Sweet Things, est paru en 2003.

Titre : Sept petites douceurs
Auteur: Shaun Levin
Éditeur : L’antilope
Date de parution : 2019
Traduit de l’Anglais : Etienne Gomez – Seven Sweet Things

Mãn

7051-300x512Une personnalité attachante, fluide, joviale… Lors du colloque Raconter l’aliment, à l’Université Concordia, en mai 2015, Kim Thuy raconte ses souvenirs avec moult détails … un long sourire sur son visage nous fait comprendre qu’elle a fait la paix avec cette période sombre de son exode.
Kim raconte ce magnifique Mãn de tous les désirs, où la nourriture a différentes fonctions, mais essentiellement pour séduire, pour plaire, et aussi pour soigner les cœurs meurtris. « La manipulation de l’aliment nous rapproche du corps. C’est toujours un équilibre fragile, que les doigts ressentent mieux que les mots ne semblent expliquer.»

On découvre à travers ce beau texte l’héritage culinaire français, envahisseur du Vietnam pendant 100 ans. Aujourd’hui la cuisine de Kim, cuisine métissée, comme elle le dit, est un mariage de l’Est et de l’Ouest « comme ce gâteau dans lequel les bananes s’inséraient tout entières dans la pâte de baguette de pain imbibées de lait de coco et de lait de vache. » Lire Kim Thuy c’est pénétrer dans un monde de souvenirs amoureux.

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Un extrait pour donner la couleur

« Mais avant le départ de sa mère, elle avait eu le temps d’apprendre à extraire le lait de la noix de coco en pressant dans ses paumes les boules de chair émiettée imbibée d’eau chaude. Les mères enseignaient à  leurs filles à cuisiner à voix basse, en chuchotant afin d’éviter le vol des recettes par les voisines, qui pourraient séduire leurs maris avec les mêmes plats. Les traditions culinaires se transmettaient en secret, tels des tours de magie, entre maître et apprenti, un geste à la fois, selon le rythme du quotidien. Dans l’ordre naturel, les filles apprenaient donc à mesurer la quantité d’eau pour le riz avec la première phalange de l’index, à tailler les « piments vicieux » avec la pointe du couteau pour les transformer en fleurs inoffensives, à éplucher les mangues de la base à la pointe pour ne pas contredire le sens des fibres. » (p. 12)

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Quelques notes de l’éditeur (4e de couverture) :
Mãn parle de l’amour à l’envers, celui qui doit se taire, celui qui ne peut être vécu, celui qui ne doit pas s’inscrire dans le temps en souvenirs, en histoires. Or, juste avant la fin, ou au milieu d’un nouveau début, ailleurs, loin de la chaleur tropicale, près du corps, dans la lenteur aérienne des flocons de neige, il y a eu un amour à l’endroit, c’est-à-dire un amour ordinaire né d’une rencontre ordinaire, avec un homme ordinaire, ce qui était pour elle l’extraordinaire, l’improbable. Mãn, c’est l’apprentissage du mot « aimer »

À propos de l’auteure: mo_thuy1000
Kim Thúy est née à Saïgon en 1968. Elle a quitté le Vietnam en « boat-people » avec ses parents à l’âge de 10 ans; ils se sont installés au Québec en tant que réfugiés vietnamiens.
Kim Thúy est diplômée en linguistique et en droit. Elle a alors été traductrice, interprète, avocate, restauratrice, chroniqueure et, depuis 2009, romancière et récipiendaire de nombreux prix.

Titre : Mãn
Auteur : Kim Thuy
Éditeur : Libre Expression
Date de parution : 2013

Pour vous le procurer

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